Comment généraliser l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) à Bruxelles ?

Plus de dix ans après que l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) a été intégrée aux missions de l’enseignement obligatoire francophone, elle devient incontournable pour les élèves de 6e primaire et de 4e secondaire à partir de cette rentrée scolaire 2023. S’il a fallu tant de temps pour trouver un accord entre les acteurs de l’enseignement de la Communauté française, tombé en juillet dernier, c’est que nombreuses étaient les résistances. En présentant les principaux résultats d’une étude destinée à imaginer des scénarios d’implémentation de l’EVRAS et de ses coûts parmi les élèves francophones en Région de Bruxelles-Capitale, les autrices et auteur du 183e numéro de Brussels Studies, Alice Lannoo et Isabelle Godin (École de Santé Publique), Claire Duchêne et Ilan Tojerow (DULBEA) de l’Université libre de Bruxelles, rappellent les multiples enjeux et obstacles associés à l’EVRAS à l’école, qui sont loin de n’être que financiers.
Lors de sa mise en place dans les années 1970 en Belgique francophone, l’EVRAS avait pour premier objectif la réduction des risques liés aux comportements sexuels, un objectif toujours important puisque 32 % des élèves scolarisés à Bruxelles ont leur première relation sexuelle avant l’âge de 15 ans et qu’ils maîtrisent moins qu’en Wallonie les moyens de contraception et les risques de transmission du VIH. Les champs d’action de l’EVRAS se sont toutefois progressivement élargis, intégrant les dimensions relationnelles et affectives, pour aborder notamment les stéréotypes sexistes et homophobes, la violence dans les relations amoureuses et entre sexes, le respect et la responsabilité envers soi-même et les autres.
De nombreuses études ont mis en avant les bénéfices de l’EVRAS en matière de comportements sexuels des jeunes et de prévention des risques. Elles pointent aussi l’attention spécifique qui doit être portée aux publics vulnérables. Les chercheur·e·s le confirment, en rappelant les inégalités d’accès à l’éducation sexuelle qui existent sur le plan géographique. La perception qu’ont les jeunes de leur santé laisse également apparaître un gradient social de santé en fonction des filières d’enseignement, qui elles-mêmes sont un marqueur d’inégalités sociales en Belgique.
L’EVRAS entre dans le cadre de la promotion de la santé à l’école et est régulièrement source de réactions divergentes, liées aux thématiques jugées sensibles. Toutefois, sa place dans le parcours scolaire et dans le développement psychosexuel des enfants et des jeunes est essentielle, car elle permet de rendre leur citoyenneté effective dans une perspective globale de reconnaissance des personnes comme individus responsables, capables d’assumer leurs choix dans le respect de soi et des autres, et de faire respecter leurs droits. Malgré les efforts déployés, faire de l’EVRAS n’est pas chose facile, en particulier à Bruxelles. Une classe n’est pas l’autre et il faut prendre en compte le contexte spécifique de chaque établissement, car il existe beaucoup de barrières entretenues par des aspects culturels et religieux, mais également par des tabous et des préjugés. La question de la sexualité dérange toujours dans la société actuelle.
L’organisation de deux séances d’EVRAS au programme de l’enseignement obligatoire francophone, dispensées par des opérateurs disposant d’une reconnaissance officielle, est un premier pas vers la généralisation. Des scénarios plus ambitieux permettraient d’étendre petit à petit ces thématiques à tous les élèves de l’enseignement francophone – ordinaire et spécialisé, de 5 à 18 ans, de la 3e maternelle à la dernière secondaire, dans toutes les filières – mais aussi néerlandophone, offrant ainsi la possibilité aux enfants et aux jeunes de se construire en tant que futurs citoyens capables de poser des choix responsables et éclairés.
Pour lire l’article complet: Alice Lannoo, Claire Duchêne, Isabelle Godin et Ilan Tojerow, « Comment (vraiment) généraliser l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) à Bruxelles ? », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n° 183, mis en ligne le 28 août 2023, http://journals.openedition.org/brussels/6920