Exnovation : imaginer autrement les transitions durables à Bruxelles

Les remous suscités récemment dans plusieurs quartiers bruxellois par l’implémentation du plan Good Move illustrent, entre autres choses, l’exacerbation de tensions autour de l’agenda de la transition écologique. Indiquant les grandes orientations politiques dans le domaine de la mobilité à Bruxelles, ce plan intègre notamment des mesures visant à sortir de l’usage des véhicules à moteur thermique à l’horizon 2035.
L’idée d’une « sortie de » renvoie à une problématique d’exnovation – un concept qui désigne la sortie délibérée des configurations sociotechniques non durables de l’économie. Convaincus de l’intérêt de ce concept, dans le 174e numéro de Brussels Studies, cinq chercheur·e·s de l’Université libre de Bruxelles (Ela Callorda Fossati, Solène Sureau, Bonno Pel, Tom Bauler et Wouter Achten – SONYA) abordent les limites des stratégies de transition actuelles fondées sur le soutien aux niches d’innovation et comment la perspective de l’exnovation s’en distingue. Ils en présentent deux cas internationaux emblématiques (sortie du nucléaire et des moteurs thermiques), avant de proposer une lecture systémique et critique des enjeux de la zone de basses émissions bruxelloise à l’aune de l’exnovation.
En soulignant le caractère éminemment complexe, conflictuel et divers de ces processus « de sortie de », l’exnovation ne vient pas simplement décrire ou expliquer, mais propose une piste concrète pour envisager autrement les processus de transition vers la durabilité des systèmes sociotechniques. Ainsi que l’expliquent les auteur·e·s, l’exnovation cible à la fois des régimes non durables bien établis (par exemple, le régime automobile) et les nouvelles tendances négatives (l’essor des véhicules de type SUV, par exemple). Cette perspective appelle à identifier les problèmes de non-durabilité systémiques et à penser les stratégies de sortie, les principes de planification démocratique et de justice sociale qui les meuvent, ainsi que l’incertitude associée aux instruments politiques adaptés.
Face à l’urgence climatique, repenser les imaginaires qui sous-tendent les stratégies actuelles de transition paraît déterminant, d’autant que les capacités économiques, sociales et démocratiques de nos sociétés semblent se fragiliser d’année en année, avec la montée des inégalités, de la pauvreté, des problèmes de santé… De manière plus conjoncturelle, à la suite de la pandémie du COVID-19 et de la crise énergétique actuelle, des plans de relance se déploient qui risquent de renflouer des industries intensives en carbone, en concurrence avec les plans d’investissement dans l’économie décarbonée, circulaire et durable. À la lumière des cas présentés dans l’article, le concept d’exnovation semble à même de remettre en cause certaines des convictions qui sous-tendent la gouvernance des transitions et le rôle de l’État dans ce contexte.
Pour lire l’article complet: Ela Callorda Fossati, Solène Sureau, Bonno Pel, Tom Bauler et Wouter Achten, « Exnovation : imaginer autrement les transitions durables à Bruxelles », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n° 174, mis en ligne le 05 décembre 2022, http://journals.openedition.org/brussels/6273