Les effets de la digitalisation sur l’emploi dans le secteur du tourisme

L’expérience du tourisme s’est considérablement transformée avec l’émergence de nouveaux modes de réservation et la diversification de l’offre d’hébergement. Ces changements ont été portés par la digitalisation croissante du secteur touristique et ont des répercussions sur l’emploi associé à ce secteur qui représente environ 3 % de l’emploi régional, dont des emplois requérant peu de qualification. Pour mieux cerner ces répercussions, une équipe de chercheuses et de chercheurs de l’Université libre de Bruxelles (Isabelle Cloquet, Cécile van de Leemput, Catherine Hellemans, Roxane Toumia), de la Haute École Charlemagne (Olivier Patris) et de l’Université catholique de Lille (Pierre Flandrin) a enquêté sur ce sujet et présente quelques tendances de fond dans le 199e article de Brussels Studies. À cette fin, ils ont interrogé 63 personnes actives comme prestataires de services touristiques, membres d’associations professionnelles publiques et privées, prestataires d’enseignement dans le domaine du tourisme, représentants syndicaux ou encore développeur de chatbot.
Plusieurs constats s’imposent : premièrement, pour des raisons de compétitivité, les acteurs du tourisme en Région bruxelloise suivent les normes édictées par les acteurs numériques occupant une position dominante au niveau mondial, en particulier dans le secteur hôtelier. Deuxièmement, la demande des clients constitue un important facteur d’adoption des technologies. Troisièmement, ces dernières ont bel et bien un impact sur les emplois, accentuant les tendances à la rationalisation et à la diversification. Le métier de réceptionniste en particulier requiert de plus en plus de compétences transversales, à la fois humaines et technologiques, tout en souffrant d’une flexibilisation accrue des conditions de travail. Enfin, dernier constat pointé, l’inquiétude partagée autour des capacités des structures d’enseignement à suivre l’évolution rapide des nouveaux outils et compétences requises, et de l’adéquation du profil des étudiant·es intéressé·es par les carrières touristiques avec les nouvelles exigences imposées par le secteur.
Par ailleurs, à travers les propos récoltés, Bruxelles apparaît « à la traîne » par rapport à d’autres capitales européennes. Ce « retard » évoqué fait écho aux discours tenus par les fournisseurs de technologies et les groupes de pression qui utilisent fréquemment cet argument pour encourager l’adoption de technologies et le développement d’infrastructures. Les médias et les responsables politiques reprennent aussi souvent cette idée. S’estimant en retard par rapport à d’autres, les acteurs du secteur se sentent poussés à passer au numérique et à suivre l’exemple d’autres destinations, sans forcément mesurer toutes les conséquences de ce basculement numérique. Pourtant, outre l’impact sur les emplois, plusieurs acteurs interrogés ont demandé à pouvoir mieux évaluer l’influence de la digitalisation sur la durabilité du secteur touristique, déjà gros émetteur de gaz à effets de serre. Pour les auteur·es, cet enjeu, mal documenté encore, devrait figurer parmi les priorités de la recherche.
Pour lire l’article complet: Isabelle Cloquet, Cécile van de Leemput, Catherine Hellemans, Pierre Flandrin, Olivier Patris et Roxane Toumia, « Anticiper les effets de la digitalisation sur l’emploi dans le secteur du tourisme dans la Région de Bruxelles-Capitale », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n° 199, mis en ligne le 19 janvier 2025, URL : http://journals.openedition.org/brussels/8059