Prendre part à l’évaluation des politiques de sécurité et de prévention. Essais de participation citoyenne à Bruxelles
Une récente étude sur la participation citoyenne en Belgique a mis en évidence la multiplication des processus de consultation à tous les niveaux de pouvoir, mais aussi la rareté des décisions qui en découlent. La Région de Bruxelles-Capitale n’y fait pas exception : budgets participatifs, conseils citoyens, commissions délibératives mixtes illustrent le fourmillement actuel en matière de dispositifs participatifs. Un domaine de l’action publique est toutefois rarement investi, celui de la sécurité, jugé trop sensible pour être discuté avec la population. Pourtant, il y va de la confiance que celle-ci peut accorder à la police et aux autres professionnels de la sécurité.
Dans le 181e numéro de Brussels Studies, Valérie Caprasse, chercheuse en criminologie à l’Université libre de Bruxelles (Centre de recherches Pénalité, Sécurité & Déviances), s’intéresse spécifiquement aux enjeux que soulève l’association de citoyens à l’évaluation des actions menées par les services de prévention communaux. Ses résultats analysent la parole de professionnels de l’évaluation des politiques publiques et celle de citoyens « ordinaires » issus de 13 communes bruxelloises – les deuxièmes disposant, selon les premiers, de savoirs d’usage à même de réduire les « angles morts » de connaissances territoriales plus distancées.
L’intégration des citoyens dans l’évaluation des politiques de sécurité et de prévention n’est toutefois pas sans poser des questions sur les plans éthique et pratique. Tout d’abord, la nature même de ces politiques soulève des interrogations éthiques qui appellent, du vœu des acteurs professionnels eux-mêmes, des garanties procédurales. Les processus participatifs nécessitent en effet du temps pour informer les citoyens sur les enjeux, pour formuler au mieux les questions pouvant induire des orientations sécuritaires et enfin, pour former les évaluateurs professionnels à la participation et aux méthodes d’intelligence collective. C’est à ces conditions que la confrontation de spécialistes et de profanes, qui détiennent chacun des savoirs spécifiques, est de nature à enrichir les connaissances et à permettre l’exploration d’options non envisagées jusqu’alors.
D’autre part, l’absence de certains profils de la population dans les dispositifs participatifs bruxellois (jeunes, personnes les plus démunies ou d’origine étrangère) questionne ici comme ailleurs. Pour tendre vers des processus plus inclusifs, les habitants et évaluateurs interrogés estiment prioritaire de travailler sur les façons de « recruter » les citoyens et de les accompagner, sur la question des langues employées et à la mise en place de solutions de garde pour les enfants afin de permettre aux parents de participer. Ces pistes de solution pourraient d’ailleurs se révéler inspirantes pour d’autres dispositifs analogues.
Si la participation citoyenne à l’évaluation des politiques de sécurité et de prévention suscite des questionnements qui aboutissent souvent à ne pas l’organiser, c’est aussi qu’elle dépasse les monopoles habituels de la production de connaissances et de la représentation politique, tout en y ajoutant une dimension éthique tout à fait singulière. En d’autres termes, parce qu’elle se situe au croisement d’enjeux de pouvoirs et de savoirs, sur des questions éminemment politiques.
Pour lire l’étude complète: Valérie Caprasse, « Prendre part à l’évaluation des politiques de sécurité et de prévention. Essais de participation citoyenne à Bruxelles », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n° 181, mis en ligne le 12 juin 2023, URL : http://journals.openedition.org/brussels/6834