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Faire des économies avec la remise en logement ? Une comparaison des coûts avec ceux du sans-chez-soirisme

© Chloé Thôme / Bruss’help – Dénombrement 2020 des personnes sans-abri à Bruxelles coordonné par Bruss’help

Chaque hiver redonne momentanément davantage de visibilité aux personnes qui dorment dans la rue, lorsque les nuits se font longues et froides. Combien sont-elles et comment les abriter ? Le dernier recensement réalisé par Bruss’help fin 2022 comptabilisait 7134 personnes « sans-chez-soi », ne disposant pas d’un toit ou seulement de manière temporaire (accueil en foyer d’urgence ou chez des amis). Ce chiffre est en hausse et a un impact sur les capacités d’accueil en Région de Bruxelles-Capitale. Combien coûtent ces solutions d’hébergement temporaire et sont-elles forcément moins onéreuses que d’assurer la remise en logement des personnes sans-chez-soi ? Justine Carlier et Magali Verdonck, économistes à l’Université libre de Bruxelles (DULBEA), ont tenté de comparer ces coûts. Elles présentent les résultats de leur étude à travers quelques chiffres clés dans le 189e numéro de Brussels Studies.

Mais de quels coûts parle-t-on ? Les instances finançant l’hébergement et le travail de rue à Bruxelles sont nombreuses et les données à rassembler très hétérogènes : COCOM, COCOF, Vlaamse Gemeenschap et VGC, Région bruxelloise ou État fédéral, sans compter les dons privés. À ces dépenses, il faut en ajouter d’autres, effectuées indirectement pour les personnes sans-abri. Pour les chercheuses, les coûts totaux peuvent être classés en quatre catégories : les coûts directs (liés aux services spécifiquement dédiés aux personnes sans-abri), les coûts indirects (services qui ne leur sont pas spécifiquement dédiés), les pertes de recettes fiscales (liées au fait que ces personnes ne paient pas d’impôts ou de cotisations) et enfin le coût des années de vie perdues.

Selon l’âge, la situation familiale, l’état de santé physique et mentale des personnes et d’éventuelles addictions, les besoins de soin et d’accompagnement varient grandement. Les estimations réalisées mènent à des montants compris entre 30 000 et 85 000 euros dépensés par an par personne sans-chez-soi. Il s’agit là de montants importants et pas toujours moins chers que la remise en logement. Ainsi, en ajoutant à l’estimation des services d’accompagnement, les aides sociales, revenus et accompagnement possibles une fois les personnes relogées, les autrices estiment que le coût total de la remise en logement varie entre 33 000 (revenu d’intégration sociale + logement social et pas d’accompagnement) et 74 000 euros par an par personne (revenu d’incapacité de travail primaire + logement privé avec compensation au loyer, avec un accompagnement poussé). Selon les cas, le coût de la remise en logement est donc parfois inférieur au coût du statut de sans-chez-soi et il est rarement beaucoup plus élevé.

S’il est envisageable qu’une personne relogée puisse, dans un premier temps, avoir besoin de davantage d’accompagnement et de soins, grâce à une meilleure santé, à plus de stabilité, de reconnaissance et à une éventuelle activité professionnelle, ces besoins et leurs coûts pourraient diminuer au fil du temps. Permettre aux personnes sans-chez-soi d’obtenir un logement afin de les réinsérer dans la société pourrait donc avoir un coût moindre pour les pouvoirs publics que celui de les laisser dans la rue.

Lire le texte complet: Justine Carlier et Magali Verdonck, « Faire des économies avec la remise en logement ? Une comparaison des coûts avec ceux du sans-chez-soirisme », Brussels Studies [En ligne], Fact Sheets, n° 189, mis en ligne le 12 évrier 2024, URL : http://journals.openedition.org/brussels/7283